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Sév en vadrouille
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1 novembre 2010

Une journée à Tibhirine...

20101101_Tibhirine_021Voilà quelques temps que nous parlons régulièrement avec quelques amis d'aller visiter le monastère de Tibhirine. Nous avons saisi aujourd'hui l'occasion d'un jour férié, sans forcément préméditer qu'il s'agit de la Toussaint et de la fête nationale algérienne. Une belle journée, malgré le mauvais temps, dans un endroit très beau pour plein de raisons.

Tibhirine c'est d'abord un hameau près de la ville de Médéa, à 80km au sud-ouest d'Alger. Sur une colline dans les montagnes de l'atlas tellien, au milieu de paysages magnifiques et reculés qui invitent au silence. C'est un monastère installé sur un ancien domaine viticole, acheté par les cisterciens en 1938. Des bâtiments simples et harmonieux. Une cour arborée sous le regard doux d'une statue de la vierge (rapportée d'une ancienne église du village de Staouéli, près d'Alger). Un jardin enveloppé de brume et baigné de sérénité. Une chapelle aux lignes pures et aux vitraux lumineux.
Vous comprendrez que j'ai été touchée par la beauté du lieu, où l'on a envie de se poser et de se fondre. L'atmosphère particulière créée par la brume et la météo automnale d'aujourd'hui y sont sûrement pour quelque chose. Plus que des mots, des photos vous feront peut-être partager ce sentiment.

Tibhirine c'est surtout, comme vous le savez tous avec le film "Des hommes et des dieux" en salle 20101101_Tibhirine_067en ce moment en France (et très bientôt en dvd piraté à Alger), l'enlèvement dramatique de 7 moines qui s'est terminé par leur mort violente en 1996, pendant les années noires du terrorisme en Algérie. Cet événement terrible est bien entendu très présent dans ces lieux, venir ici c'est aussi rendre hommage à la mémoire de ces hommes. C'est extrêmement émouvant de parcourir les endroits où ils ont vécu, se tenir dans le couloir par lequel sont entrés leurs ravisseurs, se recueillir devant leurs tombes marquées de marbre blanc. Pour moi qui ne suis jamais allée à la messe en dehors des mariages, baptêmes et enterrements, celle à laquelle j'ai assistée aujourd'hui avait une dimension particulière.
Tibhirine c'est maintenant un symbole. Un lieu et des vies qui, comme nous l'a dit le père Jean-Marie, doivent nous rappeler la persévérance que nous devons mettre dans les engagements que nous choisissons.

Mais la vie continue à Tibhirine et les liens avec les habitants du hameau n'ont jamais cessé. Le père Jean-Marie, prêtre-ouvrier et ingénieur agronome de formation, gère depuis 10 ans le domaine et son exploitation d'arbres fruitiers (à mi-temps avec des activités à Alger pour le diocèse). Il y produit principalement des pommes, ainsi que des petits fruits transformés en confitures, avec l'aide de deux employés locaux. Et celle des habitants, à qui il rend des services (notamment avec son tracteur, le seul du coin) et qui viennent souvent travailler avec lui en retour. Le monastère gère la cantine de l'école publique du village, qui avait été créée par les moines.
Les relations avec les autorités algériennes sont "décrispées" depuis quelques années, même si une mosquée de 900 m2 sur 4 niveaux est en construction pile en face de l'entrée du monastère. Le père Jean-Marie l'envisage de manière positive (si ça peut permettre de continuer à renforcer les liens avec la communauté musulmane, c'est bien) et va même parfois aider sur le chantier à la demande des habitants.
C'est vrai qu'il est cool et, à discuter avec lui en déconnant un peu autour du repas que nous avons apporté, on oublie pour un moment la charge symbolique de Tibhirine, qu'il ne vit pas de manière pesante. Il n'imagine pas être ailleurs et accomplit sa mission avec bonne humeur et une énergie tranquille, en espérant pouvoir petit à petit rénover les bâtiments qui accueilleront peut-être une nouvelle communauté religieuse, après deux essais non aboutis ces dernières années. Le succès actuel du film, qui a déjà fait augmenter le nombre de visiteurs (en majorité algériens), et le soutien apporté par l'association "Les Amis de Tibhirine" contribueront peut-être à cette préservation du site.

20101101_Tibhirine_079

Beaucoup de belles choses et d'émotions à puiser dans ce lieu. Une visite qui remue et qui touche profondément, même lorsqu'on n'entretient pas de rapports particuliers avec la foi catholique.
A la fin de cette journée résonnent encore dans ma tête les mots du testament du frère Christian, prieur du monastère, très beau texte qu'il avait écrit fin 1993 (après une première incursion du GIA) et que le père Jean-Marie a lu pendant l'eucharistie aujourd'hui. Je n'ai pas pu en isoler une phrase pour la mettre dans cet article, je vous encourage à prendre quelques minutes pour le lire.
Et à venir peut-être un jour à Tibhirine si l'occasion vous en est donnée...

Je vous transmets les conseils que nous a donnés le père Jean-Marie pour ceux qui veulent en savoir plus sur Tibhirine, en plus du film "Des hommes et des dieux".
- le livre "Passion pour l'Algérie - Les moines de Tibhirine, l'enquête d'un historien américain" de John Kiser, qui retrace le drame de 1996 dans son contexte historique, politique et socio-économique         dossier de presse
- le documentaire "Le testament de Tibhirine" d'Emmanuel Augrain (disponible en dvd)

A lire aussi : "Le jardinier de Tibhirine" écrit par le père Jean-Marie pour témoigner de la vie du monastère aujourd'hui

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Commentaires
J
Nous aimerions obtenir de votre part une autorisation pour l'utilisation de 2 photos libres de droits provenant de votre blogue, photos illustrant le monastère de Tibhirine sous la brume (01-11-2010).<br /> <br /> Nous utiliserions ces deux photos en guise d'illustration du monastère (quelques secondes chacune) dans le cadre d'un reportage soulignant la sortie du film Des hommes et des Dieux au Québec dimanche le 20 février prochain (2011) à notre émission "Second Regard" à la télévision publique de Radio Canada. <br /> <br /> Merci de votre attention, j'attends de vos nouvelles.<br /> Jean Robert Faucher, journaliste-réalisateur<br /> Second Regard, SRC télévision, Québec.
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